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« Biodiversité et climat sont les deux faces d’une même pièce »

Comment peut-on définir la biodiversité ?

C’est l’ensemble du tissu vivant de la planète. Les interactions sont innombrables avec l’espèce humaine : elle est à l’origine de ce qu’on mange, ce qu’on boit, ce qu’on respire. La biodiversité, c’est toute une dynamique d’interdépendances avec une longue chaîne dont l’Homme n’est qu’un des multiples maillons.

Comment a été créé l’OFB et quelles sont ses missions ?

Créé le 1er janvier 2020 par la loi du 24 juillet 2019, l’OFB est issu de la fusion de deux établissements publics d’État : l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Placé sous la tutelle des ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, l’OFB est le bras armé de l’État pour faire face à l’érosion de la biodiversité et agir pour la préservation du vivant dans les milieux aquatiques, terrestres et marins.

L’organisme public assure cinq grandes missions : la police de l’environnement et la police sanitaire de la faune sauvage ; la connaissance et la recherche (via le portail Nature France) sur les espèces, les milieux et leurs usages ; l’appui à la mise en œuvre des politiques publiques ; la gestion et l’appui aux gestionnaires d’espaces naturels ; la mobilisation de la société civile pour placer la problématique de la biodiversité au même niveau que le réchauffement climatique car ces sujets sont les deux faces d’une même pièce.

Au niveau de votre gouvernance, comment faire cohabiter autant d’acteurs aux intérêts divergents (ONG défenseurs de la nature, entreprises, exploitants forestiers, élus locaux, fédérations, chasseurs, agriculteurs, pêcheurs…) ?

L’idée-force de l’OFB a toujours été de rassembler les acteurs au sein d’un même établissement. Le pari n’a rien d’évident et certains ont pu parler du mariage de la carpe et du lapin. Oui, il y a des carpes et des lapins. Mon rôle, c’est d’articuler le dialogue entre ces nombreux interlocuteurs. Notre conseil d’administration compte ainsi 43 membres, 40 pour notre comité d’orientation et 25 pour notre conseil scientifique. Il s’agit donc en permanence de parvenir à des compromis pour être à la hauteur des enjeux avec un projet commun : préserver la biodiversité.

L’économie est largement concernée : 42 % des actifs financiers sont menacés par l’érosion de la biodiversité »

De quels moyens humains et financiers dispose l’OFB ?

Doté d’un budget proche de 500 millions d’euros, l’OFB, financé à 85 % par la redevance de l’eau, s’appuie sur l’expertise de 2 800 agents (ingénieurs, vétérinaires, techniciens, personnels administratifs…) dont 2 000 sur le terrain avec 1 700 inspecteurs au sein de la police de l’environnement qui a des prérogatives administratives et judiciaires : surveillance du territoire, sensibilisation des usagers, constats d’infractions… Nos équipes interviennent chaque jour pour prévenir et lutter contre les atteintes à la biodiversité, mieux appréhender les écosystèmes et comprendre leur fonctionnement et leur adaptation face aux pressions qui les entourent.

Quelle est votre feuille de route ?

Les orientations stratégiques de l’OFB – concourir à la transition écologique, agir dans les territoires, avancer avec l’ensemble des partenaires, bâtir une culture d’établissement – ont été fixées dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de performance pour la période 2021-2025. Elles sont en phase avec le rapport 2019 de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le « GIEC » de la biodiversité, qui avait identifié cinq causes majeures du déclin de la biodiversité : la surexploitation des ressources, les pollutions, les espèces exotiques envahissantes, l’artificialisation des sols et le changement climatique.

Quels sont les enjeux prioritaires ?  

Nous sommes très mobilisés pour lutter contre l’artificialisation des sols avec tous les enjeux induits en termes d’urbanisme. Nous travaillons aussi beaucoup la question fondamentale des indicateurs. A l’instar de la tonne d’équivalent CO2 mesurant l’empreinte carbone pour le climat, il faut trouver un indicateur référent de suivi concernant la biodiversité. On ne peut pas réduire l’érosion de la biodiversité à la seule mesure de l’extinction des espèces. Il faut aussi tenir compte de l’eau douce, des milieux humides, des haies en milieu agricole, etc. Chacun de nos gestes a un impact positif ou négatif sur la biodiversité et l’économie est largement concernée : une étude réalisée par l’OFB, la Banque de France et l’Agence française de développement (AFD) indique ainsi que 42 % des actifs financiers sont menacés par l’érosion de la biodiversité. La question de l’orientation des investissements devient donc cruciale pour les entreprises.

Comment mieux appréhender la transition agroécologique ?

L’avenir de la biodiversité dépend en bonne partie de l’agriculture et des agriculteurs qui sont dépendants de divers facteurs tels que la politique agricole commune (PAC) ou la réglementation des produits phytosanitaires. Notre rôle, c’est de les accompagner à tendre vers des pratiques plus vertueuses vis-à-vis des sols, en adaptant les modes de production. C’est indispensable car aujourd’hui, 70 % des sols naturels sont dégradés selon le GIEC. À cet effet, l’OFB a noué une convention avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les Chambres d’agriculture France (APCA) pour former les agriculteurs et adapter les pratiques : semences, mécanisations, replantage de haies…

Qu’en est-il de la mer, des océans et de tout l’écosystème côtier ?

L’OFB s’attache à faire le lien entre le milieu terrestre et le milieu marin, sachant que la pollution marine provient de la terre, en particulier des plastiques et des polluants chimiques. Avec l’Éducation nationale, nous développons des aires marines ou terrestres éducatives (près de 600 sur le territoire national). Créées en Polynésie il y a dix ans, ces aires consistent à confier la gestion d’un territoire (exemple : une plage) à des collégiens et des lycéens, en lien avec des pêcheurs, des élus locaux, etc. C’est capital d’embarquer les jeunes générations sur toutes ces problématiques.

Les entreprises doivent s’appuyer sur leur corps social et les syndicats pour traiter les enjeux de biodiversité »

L’OFB a signé en mars dernier une convention-cadre avec l’Office national des forêts. En quoi consiste-t-elle ?

L’ONF est un grand établissement public avec lequel l’OFB entretient des liens historiques. Il était indispensable de formaliser cette relation pour préserver l’écosystème forestier, menacé par le changement climatique et par la surpopulation de gros gibiers qui doit être régulée par une chasse durable. La convention fixe diverses priorités : intégration de la biodiversité dans la gestion courante des forêts et des aires protégées, équilibre sylvo-cynégétique pour permettre le renouvellement forestier, coordination des missions de la police de l’environnement, formation des agents…

Quel bilan dressez-vous du dernier Congrès mondial de la nature à Marseille en septembre 2021 ?

Avec plus de 4 000 congressistes, l’événement, survenant après plusieurs confinements, a été un succès. Les acteurs ont pu se retrouver et multiplier les échanges. Fortement mobilisées, les équipes de l’OFB ont organisé des espaces générations nature pour le grand public et les écoles soit 25 000 visiteurs. Quant aux engagements politiques et diplomatiques des parties prenantes, des États et des entreprises, le bilan se fera plus tard.

Qu’est-ce que le label « Engagés pour la nature » attribué par l’OFB ? 

Cette initiative vise à renforcer la mobilisation de l’ensemble de la société civile pour enrayer l’érosion de la biodiversité. Elle se décline pour les entreprises – 150 à date, de toutes tailles – les collectivités territoriales et tous les partenaires qui s’engagent au travers d’une charte et d’un plan d’action. (Ndlr : la CFE-CGC a été reconnue partenaire engagé pour la nature en décembre 2021).

La loi Climat et résilience d’août 2021 a élargi les prérogatives environnementales des instances de dialogue social en entreprise. Comment ces dernières doivent-elles mieux s’emparer du sujet de la biodiversité ?

Il faut saluer cette première avancée du législateur. Une entreprise est avant tout une communauté de citoyens. Il est évident qu’elle doit s’appuyer sur son corps social et sur les syndicats pour traiter ces enjeux et impulser de véritables actions. Nous restons très vigilants vis-à-vis, encore parfois, des stratégies de greenwashing. La biodiversité ne doit pas être instrumentalisée et les citoyens sont de moins en moins dupes.

Propos recueillis par Mathieu Bahuet