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Maladie et congés payés : la révolution

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La comptabilisation des congés payés, en cas de maladie ou de congé parental, est un cauchemar pour l’employeur. Peut-il limiter les « dégâts » en faisant jouer la prescription ?

Cette révolution-là était attendue par les salariés et redoutée par les employeurs. La CPME s’est d’ailleurs très vite alarmée des conséquences d’une telle décision, indiquant qu’elles seraient « désastreuses financièrement pour les entreprises ». Imposée par le droit de l’Union européenne, elle semblait inéluctable. La Cour de cassation, dans plusieurs arrêts datés du 13 septembre 2023, a fait tomber la Bastille et le ministère du Travail a déclaré travailler sur le sujet. Et si une intervention législative semble probable, elle ne pourra être que modeste, corsetée par le droit européen. Mais de quoi est-il question exactement dans ces arrêts révolutionnaires ?

Les absences pour maladie

Le code du Travail, tel qu’il est actuellement rédigé, ne prend pas en compte, pour l’acquisition du droit à congés payés, les périodes d’absence pour maladie non professionnelle et les périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle au-delà d’un an (C. trav., art. L. 3141-3 et L. 3141-5).

Prenons un exemple simplifié : le salarié est malade pendant 6 mois au cours de la période d’acquisition des congés payés (1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1) et travaille 6 mois. Jusqu’à présent, il n’avait droit qu’à 15 jours ouvrables de congé (pour rappel, le salarié cumule 2,5 jours ouvrables de congé par mois travaillé). Pendant l’arrêt de travail pour maladie non professionnelle, le salarié n’acquérait donc pas de jours de congés. L’équation était simple – pas de travail, pas de congé –, mais contraire à la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et à l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantit notamment à tout travailleur une période annuelle de congés payés.

Qu’est-ce qui change aujourd’hui ? Désormais, le salarié acquiert des droits à congés payés, légaux ou conventionnels, pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle ou pour cause de maladie professionnelle ou d’accident du travail, y compris au-delà d’un an, un cauchemar pour les employeurs. Revenons sur notre exemple précédent : le salarié n’a travaillé que 6 mois pendant la période d’acquisition, en raison d’un arrêt de travail pour maladie de 6 mois. Il aura désormais droit à l’intégralité de ses congés payés, soit 30 jours ouvrables.

Autre exemple : le salarié a été absent à la suite d’un accident du travail, pendant 18 mois au cours des deux dernières périodes d’acquisition (1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+2). Alors qu’auparavant, seuls ces 12 premiers mois d’absence ouvraient droit à congés payés, désormais, c’est l’ensemble de la période de suspension du contrat qui devra être prise en compte pour le calcul de ses droits.

Le congé parental

Ce n’est pas la seule nouveauté. Jusqu’au 11 mars 2023, les salariés qui partaient en congé parental d’éducation (CPE), sans avoir liquidé l’intégralité de leur droit à congés payés, en perdaient le bénéfice (du moins si l’employeur avait mis le salarié en mesure de prendre le solde de ses congés payés avant son départ).

Une loi du 9 mars 2023 modifie cette situation, en prévoyant que le salarié en CPE conserve le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début du congé. Pour les salariés ayant bénéficié d’un congé avant le 11 mars 2023 et n’ayant pas pu prendre leur droit à congés payés, il résulte de la jurisprudence du 13 septembre 2023, fondé sur l’accord-cadre révisé sur le congé parental figurant à l’annexe de la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, que les congés acquis et non pris devront dorénavant être reportés après la date de la reprise du travail !

La prescription

L’employeur peut-il limiter les « dégâts » en faisant jouer la prescription ? Les indemnités de congés payés sont soumises à la prescription triennale applicable aux salaires. Mais quel est le point de départ de ce délai de prescription ? En principe, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans, à compter du jour où celui qui l’exerce a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l’exercer.

Pour la Cour de cassation, ce point de départ doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle, au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement, afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé. La formule est absconse… et le doute permis. Les employeurs s’étant jusqu’ici conformés à l’application du droit interne, faut-il considérer que les salariés n’ont pas été informés de leur droits à titre personnel et n’ont ainsi pas été en mesure d’exercer leurs droits à titre personnel ? Les conséquences pour l’entreprise pourraient alors être désastreuses…

Article de Patrice Adam paru dans Les Cahiers du BTP n°149