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LES CADRES ET LA RETRAITE

Véronique Le Cloître, ancienne Directrice régionale chez Constructys Nouvelle-Aquitaine, s’exprime sur sa vision du système de retraite et sur la situation spécifique des femmes salariées.

 

Quel est votre jugement global sur le projet de réforme des retraites ?

Je trouve que c’est assez brutal, et même violent, comme l’a dit le président de la Confédération, autant par l’ampleur du projet que par sa vitesse de mise en œuvre. Je pense en particulier aux personnes qui voulaient prendre leur retraite dans les deux ans à venir et qui doivent décaler tous leurs projets. Je sais que cette réforme est difficile à mettre en pratique, avec tellement de régimes différents, mais c’est vraiment d’une grande brutalité.

Comment le régime des retraites vous affecte-t-il à titre personnel ?

La retraite n’est que le reflet d’une carrière et, en tant que femme, c’est toujours plus difficile. Dans le modèle sociétal français, ce sont les femmes qui éduquent les enfants… Nous avons donc des carrières bien plus hachées que celles des hommes en raison des maternités ou des maladies. Et puis nous connaissons les différences de salaires, d’autant que souvent, nous n’avons pas eu les promotions que nous aurions pu avoir. Cela crée des bases différentes pour le calcul de la retraite, qui, à l’arrivée, est moins favorable que celle des hommes. Certes, les maternités sont assimilées à des trimestres, mais ceux-ci ne sont pas cotisés. C’est un réel problème qu’il faut absolument résoudre. En la matière, je trouve que l’allocation proposée par certains serait une bonne solution. Mais globalement, les femmes sont victimes de ce système et la réforme ne va pas changer cela.

Personnellement, j’ai eu 2 enfants, j’ai toujours eu des salaires inférieurs à certains collègues hommes et j’ai été licenciée, ce qui me pénalise évidemment dans le calcul des 25 meilleures années.

Quelles sont à vos yeux les problématiques spécifiques aux cadres seniors ?

Ils commencent à travailler plus tard, puisqu’ils font des études plus longues et arrivent ensuite dans la vie active. Dans le modèle français, ils finissent leur carrière à 67-68 ans… Mais les entreprises veulent se débarrasser d’eux au prétexte qu’ils seraient moins productifs qu’un « petit jeune » coûte trois fois moins cher. Pour caricaturer, les « vieux » ont la réputation d’être dépassés ou obsolètes, même s’ils ont beaucoup de choses à apporter et surtout à transmettre.

Le problème c’est qu’ils ne sont pas assez formés alors que les compétences évoluent très vite. Je connais bien la situation puisque je travaillais dans un OPCO (opérateur de compétences) : l’obligation de formation issue de la loi de 2014 est une illusion, et proposer deux jours tous les six ans, c’est juste une couche de vernis, alors qu’il faudrait maintenir et développer les compétences des salariés par de la vraie formation et mieux gérer leur carrière. On lit partout que les entreprises rencontrent des difficultés phénoménales pour recruter, qu’elles commencent alors par garder leurs seniors !

Que devraient faire les entreprises pour conserver davantage de cadres seniors dans leurs effectifs ?

Il faut aménager leur temps de travail, développer le télétravail, étudier et réduire les déplacements. Et puis leur proposer du temps partiel dans le cadre d’une retraite progressive, qu’ils préfèreront toujours à un départ brutal. Mais il faut que ce soit un droit, inscrit dans la loi, sinon ce sera laissé au bon vouloir des entreprises.

L’autre priorité est de réintégrer les facteurs de pénibilité dans la réflexion, en rajoutant le risque psychique car les cadres n’en peuvent plus, comme le montre la progression des cas de burn-out, de bore-out et autres. Quant au fameux index senior, je ne trouvais pas l’idée si bête que cela, à condition de l’utiliser correctement. En tout cas, il y a encore des pistes à creuser !