Édouard Corral, Responsable trésorerie chez Razel-Bec, délégué syndical et élu au CSE d’établissement et au CSE central, livre son analyse du système de retraite et de la position des cadres seniors.
Quel est votre jugement global sur le projet de réforme des retraites ?
Je considère que ce projet est mal conçu et qu’il est moins intéressant que la retraite par points. Il est injuste pour les longues carrières, pour les gens qui ont commencé tôt. Cela touche moins l’encadrement, mais il en existe aussi qui ont de longues carrières.
Comment cela vous affecte-t-il à titre personnel ?
J’ai 53 ans, et cela fait 20 ans que je suis dans la même entreprise. À titre personnel, ce projet va décaler, a minima, mon départ à la retraite de deux ans, mais de toute façon, comme j’ai fait des études assez longues, si je voulais avoir tous mes trimestres je devrais travailler jusqu’à 66 ans.
Ça n’a jamais été ma vision des choses. Ce que je souhaite, c’est avoir le choix, c’est pour cela que la retraite par points était plus intéressante à mon goût. J’ai organisé ma vie et ma carrière pour partir pas trop tard à la retraite et cette réforme m’enlève ce choix-là. C’est le cas de la grande majorité des cadres.
Quelles sont à vos yeux les problématiques spécifiques aux cadres seniors ?
Le grand sujet, c’est le maintien dans l’emploi. On va nous obliger à travailler plus tard, mais est-ce que l’employeur va vouloir nous garder ? C’est la crainte de tout le monde.Et puis si on nous pousse à travailler quelques années de plus, il risque d’y avoir une baisse de motivation, même si on considère qu’il n’y a pas trop de pénibilité dans cette population, et encore, cela dépend des cas. Mon manager a 20 ans de moins que moi et nous n’avons évidemment pas la même vision, ni les mêmes méthodes de travail. Vous imaginez le décalage. Et cela ne va pas s’arranger : ce n’est pas eux qui vont vieillir, c’est moi qui ne peux pas rajeunir !
Que devraient faire les entreprises pour conserver davantage de cadres seniors dans leurs effectifs ?
La solution existe déjà, c’est l’aménagement du temps de travail et le passage au temps partiel aidé en fin de carrière : les cadres peuvent continuer à travailler, faire du tutorat, de l’accompagnement de jeunes, tout en trouvant un équilibre de vie. Cela est mis en place dans certaines entreprises, mais il faut pouvoir se le permettre financièrement, certaines entreprises, qui l’acceptent, maintiennent les cotisations retraite à 100 %.
Cette solution est au libre choix des employeurs. S’ils veulent garder cette population, à eux de faire le pas. Malheureusement, cela ne figure pas dans les projets des politiques et c’est bien dommage.