Face à la pénurie de main d’œuvre dans le secteur du BTP, les entreprises multiplient les actions pour attirer davantage de femmes. Mais les préjugés restent tenaces.
En poste depuis trente-cinq ans dans le secteur du Bâtiment, des Travaux publics et du Génie climatique, Myriam Antonietti, assistante administrative chez Equans, a pu constater au fil du temps la féminisation du secteur du BTP à forte dominance masculine. « Les femmes apportent un regard neuf sur ces métiers, une approche différente en termes de proposition et de résolution de problème, un brin de patience et d’empathie qui manquent parfois dans notre quotidien professionnel », observe-t-elle.
Dans le service maintenance auquel elle appartient, dix femmes occupent divers postes (direction, assistanat, cheffes de site, apprenties…) sur 90 personnes, ce qui représente 11 % de l’effectif, soit un peu moins que la tendance nationale qui avoisine les 12,5 %. « Mais c’est beaucoup mieux, commente Myriam Antonietti, même si on est encore loin des objectifs de la loi Rixain adoptée en 2021 qui, rappelons-le, impose un seuil de féminisation de 30 % des comités exécutifs et de direction d’ici à 2026, puis de 40 % à compter de 2029. »
12,9 % de femmes dans le Bâtiment en 2022
Au moment où le BTP peine à recruter, et en dépit des nombreuses initiatives prises pour favoriser la mixité – comme le réseau « Batifemmes », qui vise à encourager le travail féminin dans le second œuvre – la progression des femmes est encore trop lente. D’après les derniers chiffres de la Fédération française du Bâtiment (FFB), publiés en mars, les femmes ne représentaient encore, en 2022, que 12,9 % des salariés des entreprises du bâtiment, dont 46,3 % chez les employés et techniciens, 21 % chez les cadres du secteur et seulement 1,8 % chez les ouvriers.
Pour autant, la fédération note certaines avancées majeures : une entreprise sur deux est aujourd’hui dirigée ou codirigée par une femme. Une étude de l’Observatoire Prospectif des Métiers et des Qualifications du BTP, publiée en février, confirme cette tendance : « La part des femmes est d’autant plus importante que le niveau de formation est élevé », à des niveaux Bac + 5 ou doctorat.
L’urgence de lever les freins
A contrario, les femmes sont largement sous-représentées sur les chantiers. La pénibilité de certains métiers en serait la cause principale. Pourtant, depuis quelques années, les conditions de travail se sont améliorées grâce à la mutation du secteur vers le numérique, assure la FFB. « Nos machines sont guidées et modernes et il y a plus de flexibilité dans l’organisation du travail », souligne Frédéric Gardès, PDG de Colas, interrogé en février par le site Batiactu.
Pour accélérer la féminisation du secteur, les entreprises veulent lever les préjugés. « Outre des formations et ateliers sur les métiers techniques favorisant l’intégration des femmes, celles-ci peuvent aussi utiliser des passerelles entre les métiers pour évoluer dans le groupe », explique Myriam Antonietti. Enfin, ajoute-t-elle, « le problème du sexisme au travail, pouvant conduire à du harcèlement sexuel en entreprise, est désormais pris très au sérieux. » Le groupe Equans par exemple, a ouvert une ligne d’écoute et d’accompagnement permettant de libérer la parole des femmes.
->Article paru dans les Cahiers du BTP n°147 (Juillet 2023)