Rappel des principales règles en vigueur d’un dispositif déjà ancien mais encore peu connu… et pas toujours respecté. L’analyse de Patrice Adam, Professeur à l’Université de Lorraine.
Dix ans après leur entrée en vigueur, les règles relatives à la parité femmes-hommes en matière d’élections professionnelles (C. trav., art. L. 2314-30), élections ordinaires ou élections partielles, ne sont pas toujours bien connues (et donc respectées), par ceux censés les appliquer (les syndicats qui présentent des listes de premier ou second tour, ces règles ne s’appliquant pas aux candidatures libres présentées au second tour). Il faut reconnaître qu’elles sont passablement complexes.
Nous en rappellerons ici les principales. Elles ne peuvent, en aucun cas, être aménagées par le protocole d’accord d’électoral. Il ne faut donc pas espérer en faire un outil de simplification.
Les principales règles
Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir dans un collège mixte (comportant des femmes et des hommes), les listes doivent, non seulement, être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à leurs parts respectives sur la liste électorale (avec règle d’arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 et à l’entier inférieur dans le cas contraire), mais aussi présenter alternativement un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
Cette obligation d’alternance n’impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire (si trois postes sont à pourvoir et que les hommes sont majoritaires, on pourrait donc avoir, dans l’ordre de présentation, une femme, un homme et un homme) ! En revanche, elle interdit au syndicat de présenter une liste incomplète avec un seul nom… Par exemple, s’il y a 2 sièges à pourvoir dans un collège mixte, la liste de candidats doit nécessairement comporter une femme et un homme. En revanche, si 5 sièges sont à pourvoir et que 3 doivent être attribués à des hommes (64 %) et 2 à des femmes (36 %), le syndicat peut tout à fait présenter une liste incomplète avec 3 hommes et 1 femme (il faut alors effectuer un recalcul de la proportion femmes-hommes au regard du nombre de candidats présentés – quatre dans notre exemple –, en ramenant à ce nombre le pourcentage de femmes et d’hommes représentés dans le collège considéré).
En cas de nombre impair de sièges à pourvoir (par ex. trois) et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales (50 % chacun), la liste comprendra indifféremment un homme ou une femme supplémentaire.
Si l’application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, hypothèse d’un sexe ultra minoritaire (lorsque la règle d’arrondi conduit à zéro), les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe qui, à défaut, ne serait pas représenté (mais ce n’est en rien une obligation). Mais ce candidat ne peut pas alors être en première position sur la liste ! Dans cette hypothèse du sexe ultra minoritaire, une liste peut donc n’être composée que du sexe sur majoritaire ou ne comporter qu’un seul nom.
Contestation et sanction
Le juge des élections – le tribunal judiciaire – peut être saisi avant ou après l’élection d’une contestation relative au non-respect de ces règles.
Lorsqu’il est saisi avant l’élection, il peut alors déclarer la liste irrégulière et reporter la date de l’élection, pour en permettre la régulation. Lorsqu’il l’est après l’élection, le contentieux se présente bien différemment (C. trav., art. L. 2314-32). Il faut distinguer selon la règle violée.
En cas de non-respect par une liste de la proportion femmes-hommes dans le collège considéré, le juge devra annuler l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté, en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats. Attention : le constat que l’un des sexes est en surnombre sur une liste doit conduire à annuler l’élection d’un candidat de ce sexe, même s’il s’agit du seul élu du sexe surreprésenté ! Lorsque c’est la règle d’alternance qui n’a pas été respectée, le juge prononcera l’annulation de l’élection de tout élu mal positionné, sauf si la liste correspond à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et si tous les candidats de la liste ont été élus. Dans ce dernier cas, évidemment, il n’y a aucun enjeu.
En aucun cas, on le voit, le juge ne peut annuler la liste irrégulière ou l’ensemble des élections. Par ailleurs, on soulignera que les décisions d’annulation prises par le juge, n’ont aucune conséquence sur le calcul de l’audience électorale pour l’acquisition de la qualité de syndicat représentatif (Soc. 9 oct. 2024) !
-> Retrouvez l’article dans le n°153 des Cahiers du BTP